Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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(Jean 17.17)
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L'ORDRE DE DIEU


IV
Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier
par W. A. VISSER' T HOOFT

Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras toute ton oeuvre; mais le septième jour est le repos de l'Éternel, ton Dieu: tu ne feras aucune oeuvre en ce jour-là, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l'étranger qui est dans tes portes; car l'Éternel a fait en six jours les cieux, la terre, la mer et tout ce qui y est contenu, et il s'est reposé le septième jour: c'est pourquoi l'Éternel a béni le jour du repos et l'a sanctifié.
Exode 20/8-11.

Le quatrième commandement parle de deux choses : du travail et du jour du Seigneur. Il est donc important de voir tout de suite quel est l'ordre et quelle est la hiérarchie qui dominent leur relation. Faut-il commencer par le travail ? Cela semblerait naturel. Le repos ne vient-il pas après le travail ? Le repos peut-il avoir un sens en dehors du travail ? Mais n'allons pas trop vite et laissons parler le commandement lui-même.
« Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier. Tu travailleras six jours et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour du repos de l'Éternel, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni La servante, ni ton bétail, ni l'étranger qui est dans tes portes. Car en six jours l'Éternel a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu, et il s'est reposé le septième jour : c'est pourquoi l'Éternel a béni le jour du repos et l'a sanctifié. »

Nous constatons deux choses : tout l'accent tombe non pas sur l'accomplissement de notre tâche quotidienne, mais sur la sanctification du jour du repos.

Et tout ce qui est dit au sujet du travail est encadré par les exhortations au sujet de la sainteté du sabbat. Il semble donc que la Bible voie le travail à la lumière du sabbat, plutôt que le sabbat à la lumière du travail. Plus tard nous verrons ce que cela signifie et pourquoi la Bible renverse ici - comme tant d'autres fois - l'ordre « normal » des choses. Pour le moment nous n'en tirons qu'une conclusion : pour comprendre le sens du quatrième commandement, il faut commencer par étudier ce qu'est le sabbat et ce qu'il veut nous dire.

Le fait que le sabbat occupe une place si considérable dans le Décalogue, que le langage de ce quatrième commandement est si solennel, et que ce commandement soit répété tant de fois dans l'Ancien Testament montre qu'il s'agit d'une institution tout à fait centrale dans la vie du peuple de Dieu. Écoutons encore Exode 31 (14-15): « Vous observerez le sabbat, car il sera pour vous une chose sainte. Celui qui le profanera, sera puni de mort; celui qui fera quelque ouvrage ce jour-là, sera retranché du milieu de son peuple ». Calvin dit avec raison « Dieu n'a jamais requis plus étroitement l'obéissance d'aucun précepte, que de celui-ci ».

L'observation du sabbat était évidemment - comme elle l'est encore aujourd'hui - la caractéristique la plus visible du peuple juif. En disant cela je pense à un vendredi soir, lors d'un séjour aux Indes, à Cochin, dans le Travancore. La ville est toute bruissante du vacarme habituel de la vie hindoue. Mais il y a une petite rue où tout est tranquille. J'y vois des maisons devant lesquelles brûlent de petites lampes à huile. En m'approchant, je comprends pourquoi. On voit dans chaque maison des hommes et des femmes penchés sur de grosses Bibles. C'est le quartier des juifs, émigrés de leur pays depuis une dizaine de siècles, mais restés fidèles à la grande tradition de leur pays. C'est le Sabbat de l'Éternel, célébré au milieu d'un peuple idolâtre et païen. Il n'est pas douteux que celle intransigeance magnifique au sujet du Sabbat explique pourquoi ils sont toujours là comme un peuple distinct et n'ont pas été absorbés par les masses asiatiques.

Mais, précisément à cause de ce caractère spécifiquement juif du sabbat, la question est de savoir si le quatrième commandement petit avoir la même signification pour nous. Nous ne sommes pas juifs, nous n'avons pas besoin de nous distinguer par la sanctification de journées spéciales; il y a des façons plus efficaces de se distinguer du monde. D'ailleurs, l'Église chrétienne a remplacé le sabbat par le dimanche et a donc souligné qu'elle ne se sentait pas littéralement et extérieurement liée au quatrième commandement. Le dimanche célèbre la résurrection de notre Seigneur et n'a donc pas besoin d'être justifié par le commandement du Sinaï. Pourquoi donc nous arrêter devant ce sabbat périmé qui semble avoir rempli une fonction importante dans la vie de l'ancien peuple, mais qui ne paraît pas plus avoir de sens réel pour nous que les lois détaillées, au sujet de la pureté, que nous lisons (ou plutôt que nous sautons) dans le livre du Lévitique ? Les autres commandements ont quelque chose de permanent; ils ne sont pas spécifiquement juifs; mais ce commandement-ci semble bien antique et bien étranger à notre vie d'aujourd'hui.

Tout le problème de l'exégèse fidèle du commandement consiste à distinguer entre ce qu'il y a de Vrai et de faux dans cette attitude-là. Il est vrai que ce commandement ne nous lie pas en ce qu'il représente une, institution spécifique de la vie religieuse et sociale du peuple juif. Mais il est faux de penser qu'il ne contient rien de plus. À côté de cet élément transitoire il contient une vérité permanente. Ce n'est pas par hasard qu'il se trouve dans le Décalogue, dans le résumé du contenu de l'Alliance que Dieu fait avec son peuple, donc non seulement avec Israël, mais aussi avec les successeurs d'Israël, c'est-à-dire avec l'Église. Il faut donc arriver à déterminer ce qui dans ce commandement nous est adressé à nous et ce qui est uniquement destiné aux Juifs. Dans le langage des Réformateurs cela veut dire qu'il faut apprendre à distinguer entre ce qu'il contient de « cérémoniel » et ce qu'il contient de « spirituel ».

Le sens profond du sabbat est clairement indiqué dans plusieurs passages de l'Ancien Testament dont nous citons les deux suivants : Exode 31/16-17 : « Les enfants d'Israël observeront le sabbat, en le célébrant, eux et leurs descendants, comme une alliance perpétuelle. Ce sera entre moi et les enfants d'Israël un signe qui devra durer à perpétuité; car en six jours l'Éternel a fait les cieux et la terre, et le septième jour il a cessé son oeuvre et il s'est reposé. » Et Ezéchiel 20/20 : « Sanctifiez mes sabbats, et qu'ils soient entre moi et vous un signe auquel on connaisse que je suis l'Éternel, votre Dieu.,

Les deux mots que nous devons retenir sont les mots: alliance et signe. Le sabbat est le signe de l'alliance de Dieu avec son peuple. Par l'observation du sabbat le peuple élu reconnaît dans un acte qu'il appartient à Dieu. L'argument social qu'il faut donner du repos à tous ceux qui travaillent, surtout à ses serviteurs, est mentionné dans la Bible, mais tout l'accent est mis sur la grande raison d'être du sabbat : qu'il est le jour mis à part par l'Éternel et pour l'Éternel. Signe de l'Alliance, c'est-à-dire signe de ce que le peuple n'est pas livré à lui-même, qu'il n'est pas abandonné, qu'il est à Dieu et que ce Dieu veut être servi et adoré.

Un jour consacré à Dieu - mais pourquoi ? Ne faut-il pas consacrer toute sa vie à Dieu? Question abstraite. Car ce qui n'est pas clairement et spécifiquement manifesté devient une affirmation vide. Ce qui est partout n'est nulle part. C'est précisément parce que toute ma vie doit être consacrée à Dieu que je dois me consacrer spécialement à lui un jour par semaine. Dieu n'agit pas vaguement et généralement. Notre réponse ne saurait être vague et générale. Il faut des signes pour que l'alliance entre Dieu et nous devienne concrète et entre dans la réalité de notre vie.

Le sabbat et le dimanche représentent donc « le jour du Seigneur ». Cette expression même montre qu'il s'agit de quelque chose de bien plus grand qu'un arrangement raisonnable du problème du travail et du repos. Le jour du Seigneur, c'est le jour du sabbat cosmique, du sabbat mondial, préfiguré dans le repos de l'Éternel à la fin de la semaine de la création et annoncé dans la proclamation du Royaume de Dieu. C'est le jour de la manifestation visible de la Royauté de Dieu - jour du jugement - les prophètes parlent surtout de cet aspect-là - mais aussi jour de salut. Car c'est le jour du Seigneur Jésus-Christ. Dans l'Évangile de Jean, Jésus parle de : « mon jour », et St-Paul parle de la journée du Seigneur, ou dit tout simplement : le jour (I Cor. 5/5).

Le sabbat et le dimanche sont des signes de ce jour définitif. C'est dire qu'ils proclament que Dieu est Roi et que sa Royauté deviendra manifeste aux yeux de toute l'humanité. Ils sont des promesses de salut. C'est ce qu'indique l'Épître aux Hébreux (4/4): « Il y a donc un repos de sabbat réservé au peuple de Dieu. Car celui qui entre dans le repos de Dieu se repose de ses oeuvres, comme Dieu s'est reposé des siennes.» Calvin dit prudemment, mais clairement : « Il pourrait donc sembler admis que par le septième jour, le Seigneur ait voulu figurer à son peuple la perfection du sabbat qui sera au dernier jour, afin de le faire aspirer à icelle perfection d'une estude continuelle durant cette vie. »

Ainsi, il devient clair que le dimanche est le successeur légitime du sabbat. Le sens profond du sabbat est de témoigner de la victoire de Dieu, mais la proclamation de cette victoire trouve son expression la plus nette dans la Résurrection de Jésus-Christ. Depuis ce jour-là, on ne saurait parler de la Royauté de Dieu en faisant abstraction du fait qu'il a triomphé des puissances du mal dans la résurrection de son Fils. Depuis ce jour-là, le peuple de Dieu doit donc célébrer le jour de la Résurrection, et le sabbat - signe de l'Alliance du Sinaï - doit céder la place au dimanche - signe de Pâques. Mais il n'y a pas de rupture. La promesse contenue dans le sabbat n'est pas abolie, mais affirmée plus clairement. L'Église, en célébrant le jour du Seigneur, n'oublie pas qu'elle est l'héritière du peuple d'Israël.

L'expression que l'Église emploie pour indiquer le dimanche et que nous ne trouvons qu'une fois dans la Bible (Apoc. 1/10), montre d'ailleurs qu'il s'agit toujours de la même chose. Quand Jean de Patmos parle du « jour du Seigneur », il souligne, comme l'avaient fait Moïse et les prophètes, que le peuple de Dieu doit manifester clairement que Dieu est son seul Seigneur. Il y avait à ce moment déjà d'autres jours appelés jours du Seigneur, c'est-à-dire des jours consacrés au culte de l'empereur. Jean souligne donc que les chrétiens appartiennent au Dieu d'Abraham, d'Isaac, de Jacob et de Jésus-Christ. Il proclame que ce Dieu-là est le seul vrai Dieu.

Nous devons maintenant en venir au contenu du commandement. Et la première question qui se pose est celle-ci : Pourquoi devons-nous célébrer le jour de Dieu par le repos ? Nous admettons sans trop de peine qu'un jour soit mis à part pour l'adoration de Dieu, mais pourquoi cet élément négatif ? Pourquoi ces menaces contre ceux qui ne voudront pas se reposer ? Ne peut-on pas adorer Dieu en travaillant ? Ou encore, si nous consacrons quelques heures du dimanche au culte, est-il vraiment nécessaire de s'abstenir de toute activité, pendant les autres heures ? Ne faut-il pas plutôt dire que ce côté négatif du commandement appartient au judaïsme et ne nous concerne pas ?

En essayant de répondre, nous nous basons sur le principe déjà mentionné : tout ce qui est « spirituel » plutôt que « cérémoniel » dans le commandement nous est aussi adressé. Il faut arriver à une conclusion : oui ou non, le repos du dimanche a-t-il une signification profonde et permanente, ou serait-il plutôt un arrangement transitoire, pour des conditions spéciales; en d'autres mots, oui ou non, le repos, lui aussi, est-il un signe de l'alliance entre Dieu et son Église ?
La réponse est indiquée par un verset de la prophétie d'Ezéchiel (20/12) : « Je leur donnai aussi mes sabbats comme -un signe entre moi et eux, pour qu'ils puissent faire connaître que je suis l'Éternel, qui les sanctifie ». C'est Dieu seul qui sanctifie. L'homme ne peut se sanctifier lui-même. En se reposant le jour du Seigneur, l'homme reconnaît que son salut dépend de l'oeuvre que Dieu fait en lui et non pas des oeuvres qu'il fait pour lui-même ou même pour Dieu. Citons encore Calvin, parce qu'il le dit tellement mieux que nous ne pourrions le dire : « Or si notre sanctification consiste au renoncement de nostre propre volonté, de là desjà apparaît la similitude entre le signe externe et la chose intérieure. Il nous faut du tout reposer, afin que Dieu besoigne en nous : il nous faut céder de notre volonté, résigner nostre coeur, renoncer et quitter toutes les cupiditez de nostre chair : bref, il nous faut cesser de tout ce qui procède de nostre entendement, afin qu'ayans Dieu besoignant en nous, nous acquiescions en luy. »
Le jour du Seigneur est donc une démonstration de grande envergure de notre incapacité de nous sauver nous-mêmes et de notre besoin de Dieu; il est le témoignage que l'Autre nous sauve, si nous le laissons agir en nous. Le côté négatif du commandement est donc indispensable. Nous ne pourrons témoigner d'une façon claire et convaincante que Dieu est le Dieu Vivant, agissant, le Créateur et le Sauveur de notre vie, si nous ne témoignons en même temps que nous sommes incapables par nous-mêmes de faire le bien et de trouver le salut.

Tout cela semble extrêmement subtil. En fait, c'est très simple. Il y a un monde plein d'êtres humains qui s'agitent fiévreusement, qui courent à droite et à gauche, qui cherchent à accumuler des richesses, qui font des projets d'avenir, qui propagent des idées nouvelles, ou qui luttent pour le maintien du statu quo. Que veulent-ils, que cherchent-ils ? Ils cherchent à donner un sens 'à leur vie. lis en discernent bien la vanité. Mais on peut redoubler d'efforts, travailler plus, gagner davantage, penser et vivre avec plus d'intensité. On peut forcer le rythme. Il faut absolument arriver à quelque chose de substantiel. Il faut chasser le désespoir. Il faut éviter le néant. Dans ce monde, la voix de Dieu retentit. Cette voix dit : Halte-là ! Mes pauvres créatures, cessez de vous agiter, cessez de tourner autour de vous-mêmes, sachez que vous n'arriverez jamais à donner un sens à votre vie, car la vie est un don que je vous ai fait. Je suis le seul qui puisse lui donner une vraie substance. Votre travail n'aura pas de sens tant que vous ne saurez pas écouter, tant que vous ne saurez pas recevoir. Apprenez donc à vous reposer en moi et devant moi.

Le jour du Seigneur nous avertit solennellement que nos oeuvres ne sauraient donner un vrai contenu à notre vie et qu'il faut chercher ce contenu ailleurs, chez celui qui donne la vie.

Nous pouvons maintenant tirer quelques conclusions pratiques de nos réflexions. Le commandement nous concerne parce qu'il parle de choses qui sont aussi valables pour nous que pour les Juifs. Il nous parle de la victoire de Dieu et nous rappelle que nous dépendons totalement de lui. Il faut donc obéir.

Mais comment ? Faut-il suivre les lois sabbatiques à la lettre ? Faut-il renouveler les anciennes discussions au sujet de l'utilisation des bicyclettes, le dimanche ? Est-il vraiment inadmissible qu'on fasse autre chose, le dimanche, que d'aller à l'Église et prier, comme le réclamaient certains vieux catéchismes puritains ? Non, nous ne sommes pas des Juifs, nous ne vivons pas sous le signe de la loi, mais sous le signe de la liberté chrétienne. Nous suivons un Seigneur qui est aussi le Maître du sabbat. Ce qui importe, ce n'est pas que nous suivions la lettre du commandement, mais que nous entendions le grand message qu'il contient et que nous répondions par notre vie à ce message.

Comment donc célébrer le dimanche ? En rendant à Dieu ce qui est à Dieu. Cela veut dire tout d'abord que le dimanche est le jour du culte rendu à Dieu. Et non pas d'un culte tout privé et ésotérique, mais d'un culte rendu par une communauté et en public. C'est le jour de la grande démonstration aux yeux de tous, que Dieu a un peuple sur terre et que ce peuple se sait lié par lui et à lui. Ce que nous pouvons et devons apprendre par le quatrième commandement, c'est que le culte du dimanche n'est pas seulement une institution qui a pour but de nous consoler et de nous encourager, mais un acte d'adoration, une présentation d'armes devant Dieu. Notre consolation et notre encouragement seront d'autant plus vrais que nous irons au temple dans l'esprit du Psaume 84 : « Mieux vaut un jour dans tes parvis que mille ailleurs ».

Et le repos du dimanche ? Il n'y a pas de règles, car il s'agit d'une attitude intérieure plutôt que d'une conduite extérieure. Si vous arrivez à cette tranquillité intérieure, à cette interruption de votre train de vie, à cette cessation de préoccupation et à cette vraie réceptivité - en allant faire un tour de bicyclette - faites-le. Si vous y arrivez plus sûrement en lisant, prenez un bon livre. La seule chose qui importe est que vous vous souveniez vraiment qu'il s'agit du jour du Seigneur. J'ai connu un homme d'État surchargé qui ne travaillait jamais le dimanche et qui était prêt à en payer le prix. Il reprenait donc son travail le dimanche à minuit en sacrifiant une nuit sur sept. Ce n'est pas ridicule, c'est magnifique, car cela manifeste un vrai respect du commandement de Dieu. D'autre part, il est vain d'imposer l'observation d'un repos à ceux qui n'en voient pas la nécessité. Le père qui voulait punir son fils parce qu'il le voyait jouer avec des soldats, un après-midi de dimanche, et qui recevait la réponse : « mais papa, il s'agit de soldats de l'Armée du Salut », était en train de faire de son fils un hypocrite parfait.

Et le travail ? Il est temps que nous en parlions. Est-il juste que nous y consacrions seulement les quelques minutes qui nous restent ? Nous en avons déjà parlé. En nous efforçant de comprendre le sens du jour du Seigneur, nous avons déjà dit l'essentiel de ce qu'il y a à dire. Nous savons maintenant de quel point de vue il faut considérer le travail. Pour comprendre ce qu'il représente dans l'économie de Dieu, il faut se placer sur le terrain du jour du Seigneur.

Qu'est-ce que le travail ? C'est la forme normale de la vie de l'homme. Dans le paradis déjà, l'homme reçoit l'ordre de cultiver et de garder te jardin. À ce moment le travail représente le service joyeux de Dieu, la réponse directe à son travail de création. Mais par la chute le caractère du travail change. Il devient une lutte pour l'existence. « C'est à force de peine que tu tireras ta nourriture du sol tous les jours de ta vie.» Le travail reste la caractéristique de la vie humaine, mais il n'est plus un service spontané, il est une tâche dure et un lourd fardeau. La Bible en parle avec un réalisme déconcertant : « Les jours de nos années s'élèvent à soixante et dix ans; et, pour les plus robustes à quatre-vingt ans, et l'orgueil qu'ils en tirent n'est que peine et misère ». « Tout le travail de l'homme est pour sa bouche, et cependant ses désirs ne sont jamais satisfaits. »
C'est qu'après la chute, l'homme ne comprend plus le sens du travail. Son travail n'est plus un service rendu à Dieu, mais un effort de créer son propre monde, un effort de concurrence à l'égard de Dieu.

Oh, comme ce travail de l'homme a besoin d'être éclairé d'en haut ! Comme cette activité fiévreuse a besoin d'être confrontée avec l'action tranquille de Dieu ! C'est pourquoi Dieu dit : Souviens-toi du jour du repos, souviens-toi de ce que ce travail n'a pas le dernier mot. Souviens-toi de ce qu'il y a une autre possibilité que celle du salut par les oeuvres et par l'effort humain. Laisse-moi changer ton travail insensé en travail véritable, c'est-à-dire en service rendu à ton Seigneur.

M. de Quervain a écrit : « La Bible souligne l'importance du jour du Seigneur, parce que ce jour contient la promesse qui éclaire les journées de travail ». Formule admirable. Quand une fois nous avons écouté le message du quatrième commandement, notre travail change de caractère. Ce ne sera plus cet effort stérile de faire mieux que Dieu lui-même, mais plutôt un travail d'obéissance. Ce ne sera plus ce travail sans interruption qui devient une obsession, car nous aurons appris la nécessité du repos avec et devant Dieu. Nous ne serons plus esclaves de notre travail et notre travail gagnera en vraie profondeur.

Indiquons tout brièvement ce que cela signifie pour le message de l'Église et pour notre témoignage dans la situation actuelle. Il semble bien que nous devrons surtout dire les deux choses suivantes. Nous affirmerons clairement que chaque homme doit travailler et que chaque homme doit pouvoir travailler. En refusant le travail à mon prochain, je lui enlève en même temps la possibilité de se réjouir de la promesse du vrai repos. Le chômage est un mal qui montre que notre société a oublié la fin première de toute communauté humaine qui n'est pas la production ou la consommation de choses, mais l'établissement d'un ordre dans lequel chaque homme peut remplir les commandements de Dieu. Le chômage est le grand signe que notre société est malade. Et cette maladie est si clairement de nature spirituelle que l'Église ne peut pas se taire à cet égard.

Mais en deuxième lieu, l'Église doit se tourner contre ceux qui prêchent l'évangile du travail, qui glorifient le travail en soi et qui sont en train de transformer l'humanité en une fourmilière sans Dieu, sans joie, sans liberté d'âme. Ce n'est pas le moindre danger, parmi ceux qui nous menacent, que cette nouvelle idéologie du travailleur qui doit sacrifier sa vie au travail et qui ne demande même plus pourquoi, ou pour qui, il travaille. Je pense aux idéologues des mouvements de masse qui proclament que l'individu doit disparaître pour que les peuples deviennent des peuples de travailleurs dociles et qui voient dans l'usine moderne le symbole de la civilisation de demain.

Vis-à-vis de telles falsifications du vrai sens du travail, nous aurons a dire : Souviens-toi du jour du Seigneur. Souviens-toi de ce que ce jour signifie. Souviens-toi de ce que le seul travail qui compte est son travail de création et de re-création. Souviens-toi que ta place est une place de serviteur, mais souviens-toi aussi qu'en acceptant cette humble fonction tu participeras à sa victoire.

Écoute donc la promesse : tu travailleras tant que tu seras sur terre, mais il y aura un jour du Seigneur, qui est le jour définitif. Ce jour-là, le repos du sabbat sera donné au peuple à qui il est réservé. Celui qui entre dans le repos de Dieu se reposera de ses oeuvres, comme Dieu s'est reposé des siennes.

W. A. VISSER'T HOOFT. 


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