LA PALESTINE AU TEMPS DE
JÉSUS-CHRIST
LIVRE SECOND - LA VIE
RELIGIEUSE
CHAPITRE
XV
LES DATES PRINCIPALES DE LA VIE DE
JÉSUS
La date de sa mort. - Celle de
sa naissance. - La durée de son
ministère. - La Pâque de l'an
28. - Le sabbat second-premier. -
Chronologie générale. - L'an
781. - Les Purim en 782. - Le
ministère de Galilée. - Le
sermon sur la montagne. - La crise de la
foi des disciples. - Le ministère
errant. - La fête des Tabernacles de
l'an 29. - La fête de la
Dédicace de l'an 29. - La
dernière semaine.
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Les vraies dates de l'histoire
évangélique sont plus faciles
à établir qu'on ne le pense
généralement
(1). Cherchons
d'abord celle de la mort de Jésus; c'est la
plus aisée à déterminer, et.,
une fois connue,, elle nous aidera à
découvrir les autres. Jésus a
été crucifié, d'après
les trois premiers évangiles, le jour
même de la Pâque juive; d'après
le quatrième, la veille de ce jour. Or la
Pâque était
célébrée tous les ans le 15 du
mois de Nisan. Il est donc mort soit le 14, soit le
15 Nisan. Si les documents bibliques nous laissent
le choix entre ces deux dates, ils s'accordent
à affirmer que Jésus fut
crucifié un vendredi. Ils placent en effet,
la résurrection au troisième jour qui
était le premier de la semaine,
c'est-à-dire le dimanche. Or, le 14 (ou le
15) Nisan n'est tombé sur un vendredi, dans
la période d'années où nous
pouvons raisonnablement chercher, qu'en l'un 30 ou
en l'an 33 (2).
Pour trouver un vendredi avant
l'année 30, il faudrait remonter trop haut :
Jésus serait mort à vingt ans
à peine. Après l'année 33, il
faudrait descendre trop bas, Jésus aurait
été âge de plus de quarante ans
lors de sa crucifixion. Nous devons donc choisir
l'une ou l'autre de ces deux années, 30 ou
33. Jésus a été certainement
crucifié soit le vendredi 14 (ou 15) Nisan
30, soit le vendredi 14 (ou 15) Nisan 33 ; dans' la
première alternative le vendredi 7 avril,
dans la seconde le vendredi 3 avril
(3). Cherchons si
d'autres données nous permettent de choisir
entre ces deux dates et de préciser
encore.
Les Juifs dirent un jour à
Jésus-Christ, d'après l'Evangile de
saint Jean (4) :
« On a mis quarante six ans à
bâtir ce Temple. » Or le Temple ne fut
achevé que longtemps après la mort de
Jésus-Christ ; on y travaillait encore
lorsque ces paroles furent prononcées, elles
signifient donc qu'on y travaillait depuis
quarante-six ans. Josèphe nous apprend que
la construction du Temple fut commencée la
dix-huitième année d'Hérode le
Grand, en automne. Ce prince, étant
monté sur le trône au printemps de
l'an 717 de Rome (37 avant Jésus-Christ), la
dix-huitième année de son
règne commença en 734 et finit en 735
(l'an 19 avant J.-C.). Quarante-six ans plus tard
nous sommes au printemps de 781 ou en 28
après Jésus-Christ.
Celui-ci était alors au
début de son ministère. La
Pâque dont il nous est parlé au
chapitre Il de l'Evangile selon
saint Jean étant celle de
l'an 28, le chapitre
VI, verset 4
(5), mentionne
celle de l'an 29, et la Pâque de sa mort se
trouve être celle de l'an 30 ;
précisément une des deux
années entre lesquelles nous devons choisir.
Cet accord fixe notre choix et nous concluons
rigoureusement qu'il faut s'en tenir à l'an
30, et que Jésus fut crucifié le
vendredi 7 avril de l'an 30. M. Renan adopte, il
est vrai, l'année 33
(6), mais il ne
dit pas pourquoi et ne s'explique nulle part sur la
chronologie qu'il a suivie. M. de Saulcy eu parle
aussi (7) ; mais
les preuves qu'il donne n'ont aucune valeur; il va
jusqu'à admettre l'exactitude de
l'ère Dyonisienne
(8). Keim a cru
pouvoir fixer la date de la mort de
Jésus-Christ à l'an 35. -
D'après Josèphe, dit-il, lorsque
Hérode Antipas fut vaincu en 36 par
Arétas, les Juifs virent dans cette
défaite une punition méritée
du meurtre de Jean-Baptiste. Il y avait donc peu de
temps, deux ans au plus, que Jean était
mort, et s'il fut décapité en 34,
Jésus fut crucifié au plus tôt
en 35.
Ce raisonnement repose sur une base bien
fragile. Les Juifs ne pouvaient-ils pas voir dans
la défaite d'Antipas une punition du meurtre
de Jean-Baptiste six ou sept ans plus tard? Du
reste, le 15 Nisan ne tomba pas sur un vendredi en
l'an 35 ; et enfin, la date que nous avons
trouvée est confirmée par cette
affirmation de Luc
(9) : «
Jésus avait environ trente ans » la
quinzième année de Tibère
César, c'est-à-dire en 781 (28
après J.-C.); car cette indication concorde
exactement avec celle donnée par Jean
(10) : «
On a mis quarante six ans à bâtir ce
temple. » Tacite, aussi, en
plaçant le ministère de
Jésus-Christ sous Ponce-Pilate
(c'est-à-dire entre 26 et, 36), vient
à son tour fortifier notre
résultat.
L'année de la naissance de
Jésus-Christ est impossible à fixer
avec certitude. M. Sabatier croit qu'il faut se
résigner à la placer
approximativement entre 744 au plus tôt et
753 au plus tard. Nous pensons qu'on peut
préciser davantage. Il avait « environ
30 ans » en l'an 28, il serait donc né
« environ » deux ans avant l'ère
vulgaire, c'est-à-dire vers l'an 751 de
Rome, c'est une première indication.
Remarquons ensuite que Matthieu, Luc et les Talmuds
s'accordent à placer cette naissance
à la fin du règne d'Hérode le
Grand. Malheureusement Josèphe nous donne
deux dates différentes de la mort de ce
prince et indique tantôt 750, tantôt
752, ou même 753
(11), Mais on
s'accorde généralement à
accepter le premier de ces chiffres et à
placer la mort d'Hérode le Grand en
750.
Il reste le recensement de Quirinius,
dont parle Luc
(12), mais il
est difficile à expliquer. Nous connaissons
par les Actes des Apôtres
(13) et par
Josèphe
(14) un
recensement de Quirinius fait en 760.
L'évangéliste Luc donne le sien comme
« le premier ». Or il est possible que
Quirinius ait été deux fois
Légat de Syrie
(15) et la
première fois vers 750 ou 752. Sans discuter
ici l'authenticité de ce « premier
» recensement, nous croyons pouvoir placer en
749 ou 750 la date probable de la naissance de
Jésus. Il est né trois ou quatre ans
avant l'ère chrétienne et avait
environ trente-trois ans lorsqu'il fut
crucifié.
Telles sont les dates principales,
celles qu'il faut fixer avant tout. C'est donc
à la fin du règne d'Hérode le
Grand, au moment où la folie de ce tyran
atteignait son paroxysme, que naquit dans un petit
village cet enfant qui reçut le nom de
Jeschoua, traduit Jésus par les Latins. Il
naissait sous un régime de terreur, à
cette époque profondément
agitée que nous avons essayé de
décrire au chapitre troisième du
premier livre de cet ouvrage. Son enfance et sa
jeunesse s'écoulèrent au milieu des
troubles dont la Palestine était alors le
théâtre. Mais il fut
élevé à Nazareth en
Galilée, dans la tétrarchie
d'Antipas, dont le gouvernement était
relativement paisible.
Essayons maintenant de faire une
chronique rapide du ministère de
Jésus-Christ. Il durera de la fin de l'an
127 au mois d'avril de l'an 30, c'est-à-dire
deux ans et demi. On a prétendu que les
Synoptiques le plaçaient tout entier dans
l'espace d'une seule année. Cette assertion
est injustifiable ; une foule de passages
(16) supposent
de fréquents séjours de Jésus
en Judée et surtout à
Jérusalem. Il s'y rendait pour les
fêtes et en particulier pour la Pâque,
et le quatrième Evangile nous fournit ici
les plus précieuses indications. Il parle de
trois têtes de Pâque
(17). Nous en
avons déjà indiqué les
années (28, 29 et 30). Nous ne pouvons, en
effet, considérer comme une Pâque la
fête mentionnée par Jean au chapitre
V, verset
1(18).
L'articlequi serait absolument
nécessaire, ne se trouve
que dans le Codex Sinaïticus et il est plus
naturel de supposer son addition dans ce manuscrit
que sa suppression dans tous les autres. Pourquoi
Jean ne nommerait-il pas la Pâque ? Il
faudrait aussi admettre avec cette hypothèse
qu'une année s'est écoulée
entre les événements du chapitre V et
ceux du chapitre VI, année que Jean
passerait entièrement sous silence. Le
passage chapitre IV, verset 35, nous place
clairement en décembre ; et le passage
chapitre VI, verset 4, en avril ; la fête
dont il est parlé chapitre V, verset 1, se
trouve être tout simplement celle des Purim
qui se célébrait en mars.
Les Synoptiques nous indiquent encore
une dernière date
(19) « le
Sabbat second-premier » ; mais cette
expression reste énigmatique. Wieseler a cru
en découvrir le sens. Ce Sabbat serait,
d'après lui, le premier de la seconde
année ecclésiastique à partir
de la dernière année sabbatique.
Cette explication reste une hypothèse et
elle est assez généralement
abandonnée aujourd'hui
(20).
Fût-elle exacte, elle confirmerait encore nos
calculs, car elle ferait tomber la scène qui
nous est racontée dans ce passage au mois
d'avril de l'an 29.
En tout cas, le fait dont il s'agit ne
peut s'être passé qu'au printemps et
aux environs de la Pâque, car les
apôtres arrachent des épis et les
mangent. Il y eut donc plusieurs fêtes de
Pâque pendant, le ministère de
Jésus, et celle dont il est ici parlé
a précédé sa mort juste d'une
année.
Le tableau général de la
chronologie des Évangiles s'établit
tout naturellement à l'aide des dates que
nous avons fixées. Jésus de Nazareth,
ou plus exactement Jeschoua de Nazareth (car
Jésus, nous l'avons dit, est un nom
hébreu latinisé) naît en 749 ou
750 de Rome. Il est appelé dans les
Évangiles , et le nom que lui donneront plus
tard ses compatriotes et ses
disciples sera : Rabbi Jeschoua Natzarieh.
Hérode meurt à Jéricho peu de
temps après sa naissance, quelques mois au
moins, trois ans au plus
(21). L'enfant
est élevé à Nazareth. Il a
neuf ans environ, quand Archélaüs est
déposé et que le légat de
Syrie nomme un procurateur chargé
d'administrer la Judée. C'est sous le
premier d'entre eux, appelé Coponius, que
Jésus vient pour la première fois au
Temple de Jérusalem, âgé de 42
ans.
En l'an 9-8 (781 de Rome), il a
déjà commencé son
ministère. Il a alors « environ »
trente ans. Il faut placer avant la Pâque,
c'est-à-dire dans les premiers mois de
l'année et peut-être à la fin
de 27, son baptême, la tentation, les noces
de Cana. Après un court séjour
à Capharnahum, il monte à
Jérusalem pour la fête de Pâque
781. Nous fixons à cette date la
purification du Temple et l'entretien avec
Nicodème. Il retourne en Galilée
quelque temps après et passe à
Nazareth les mois d'été. En
septembre, il revient en Judée pour les
Tabernacles et renoue ses relations avec
Jean-Baptiste. Vers la fin de décembre, il
reprend le chemin de la Galilée et passe par
la Samarie (Ev. de Jean, ch. IV, entretien avec la
Samaritaine). « Il y a encore, dit-il, quatre
mois jusqu'à la moisson »
(verset 35). Et comme celle-ci se
faisait à la fin d'avril, on était
à la fin de décembre.
De retour à Nazareth, il rentre
dans le silence; il travaille sans doute à
l'entretien de sa famille. Au mois de mars, il
monte à la ville sainte pour la fête
des Purim (14 et 15 d'Adar), cette
année-là les jeudi 17 et vendredi 18
mars (ou les vendredi 18 et samedi 19
(22)). La
fête des Purim n'impliquait pas la cessation
obligatoire du travail. La guérison du
malade de Béthesda, qui eut lieu un jour de
Sabbat, tombe par conséquent sur le samedi
19 mars.
Rentré peu après en
Galilée, il commence son ministère
actif. Il se décide,
à quitter Nazareth, village perdu dans les
montagnes, et va s'établir à
Capharnahum, gros bourg situé sur la route
d'Egypte en Syrie. Capharnahum est sur les bords du
lac de Tibériade ; Jésus n'a en ligne
droite que huit ou neuf heures de marche à
faire pour y arriver, mais il se rend d'abord
à Magdala, situé aussi sur les bords
du lac. Il y passe la nuit et puis, longeant la mer
(Ev. de
Marc, I, 16), il rencontre ses
premiers disciples entre Bethsaïda et
Capharnahum. Il arrive dans le voisinage de ce
bourg deux jours après son départ de
Nazareth (Ev. de
Marc, I, 21). Le lendemain
était un Sabbat ; il avait donc
quitté Nazareth un mercredi, et c'est d'un
vendredi qu'il faut dater la vocation de Pierre et
des autres disciples.
Le samedi, il enseigne dans la synagogue
de Capharnahum, et il faut placer ici les
événements racontés dans les
Synoptiques (Ev. de
Marc, 1, 29-34; de
Luc, IV, 38-41 et de
Matth., VIII, 14-17). Le dimanche,
de grand matin, il se retire en un lieu solitaire
pour prier (Ev. de
Marc, 1, 35-38;
de Luc, IV, 42, 43). Il parcourt cette
semaine-là toute la Galilée. Le bruit
de sa renommée pénètre
jusqu'en Syrie (Ev. de
Matt IV, 23, 24;
IX, 25;
XII, 15 et suiv.). Peu à peu
se groupent autour de lui quelques disciples qui
forment son cercle le plus intime. Les
autorités de Jérusalem commencent
à s'émouvoir. Des Scribes vont
l'épier et s'entendre avec les Pharisiens
qui séjournent en Galilée. Ceux-ci le
connaissent. Ils s'étaient rencontrés
deux fois avec lui à Jérusalem (Ev.
de Jean, Il et
V). Jésus leur semble
déjà en opposition ouverte avec le
Judaïsme. C'est de cette semaine qu'il faut
dater la vocation de Matthieu et les paroles du
Christ sur le jeûne. Six disciples se donnent
à lui avant tous les autres : Pierre,
André, Jacques, Jean, Philippe et
Barthélemi.
Le samedi suivant est celui que les
Évangiles appellent second-premier. Si
l'explication de Wieseler est bonne (nous avons
montré qu'elle n'est qu'une simple
hypothèse), ce samedi serait le 9 avril. Le
samedi précédent aurait donc
été le 2 et le
calendrier de cette partie de
l'histoire évangélique devient facile
à établir.
La semaine suivante fut une des plus
importantes de la vie de Jésus. Le premier
jour, il se retire sur la montagne pour prier. Il
choisit les douze apôtres (Ev. de
Marc, III. 13 et suiv.). Il prononce
ensuite les enseignements dont quelques fragments
nous ont été conservés sous le
nom de sermon sur la montagne. Jésus
«s'établit » dans la montagne, dit
Matthieu
(V, 1)
(23), et il les
« enseignait ». C'était sans doute
au nord-ouest de Capharnahum, où se trouve
une chaîne de collines. Le mot «
s'établit », et l'imparfait «
enseignait » montrent bien qu'il s'agit ici
d'une série de discours prononcés par
le Christ, pendant un certain temps, au moins
pendant quelques jours, et qui ne sont parvenus
jusqu'à nous que par fragments. Jésus
pense pour la première fois à fonder
une Eglise. Les douze apôtres lui serviront
à établir une.
Peu de temps après (Ev. de
Luc, VIII, 1-3), nous le voyons
parcourant la Galilée accompagné de
ses apôtres et de quelques femmes s'occupant
des besoins de chaque jour. Il envoie ses
apôtres en mission ; Judas tient la bourse
commune ; ils voyagent sans doute à la mode
essénienne ; Jésus a la robe sans
couture, le turban sur la tète, des franges
à son manteau
(24). Deux
envoyés de Jean-Baptiste viennent lui poser
la question : « Es-tu celui qui doit venir?
» Peu après, Jésus apprend la
mort du Précurseur. On lui dit en même
temps qu'Hérode Antipas le surveille. Il
traverse alors le lac et se retire dans les
collines voisines de Bethsaïde Julias, sur le
territoire du tétrarque Philippe. La foule
l'y suit et veut le nommer roi. Il prie les
apôtres de remonter dans la barque et de
retourner sans lui à Capharnahum. Le
lendemain il parle dans la synagogue de ce village.
Ce n'était pas un jour de sabbat, car le
peuple n'aurait pu naviguer sur le lac un samedi ;
c'était un lundi ou un
jeudi, les seuls jours où la synagogue
fût ouverte en dehors du sabbat. Jésus
y prononce son grand discours sur le pain de vie
(Ev. de
Jean, ch. VI).
Nous voici arrivés à cette
période critique du ministère du
Christ, où le peuple l'abandonne, où
il reste seul avec les douze, et où la
nécessité absolue de sa mort violente
lui apparaît pour la première fois.
Les trois Synoptiques se rencontrent ici avec le
quatrième Evangile (Ev. de
Matth., XVI; de
Marc, VIII; de
Luc, IX), Jésus se retire
vers le Nord du pays et. se trouvant sur le chemin
de Césarée de Philippe, il pose
à Pierre les deux questions : « Qui
disent les hommes que je suis? » « et
vous qui dites-vous que je suis? » Il est
décidé à rompre avec le
Judaïsme et avec la théocratie; le mot
Eglise déjà prononcé
paraît définitivement ; une
communauté indépendante est
fondée. Jusqu'ici il a surtout parlé
du Royaume de Dieu; désormais il
prêchera d'abord sa propre personne; il
s'ouvrira davantage à ses disciples; il les
initiera à sa vie intérieure et
spirituelle. Son ministère en Galilée
est devenu impossible. Forcé de fuir les
grands centres, il va jusqu'à Tyr et Sydon,
mais il ne peut ni ne veut éviter une
rencontre décisive avec ses adversaires. Il
doit faire la volonté de son Père et
il monte à Jérusalem (Ev. de
Marc, VII, 24,
31, de
Luc, IX, 51). Nous l'y trouvons
cette année-là à la fête
des Tabernacles (Ev. de
Jean, VII, 1). Elle
commençait le 15 de Thischri; en l'an 29, ce
jour se trouvait être le mardi 11 octobre.
« Le dernier et le grand jour de la fête
» (Ev. de
Jean, VII, 37), fut soit le 19, soit
le 20 octobre. Le samedi 15 tombait, en tous cas,
au milieu et c'est ce jour-là que
Jésus se montra à l'improviste dans
le Temple (Ev. de
Jean, VII, 14).
Il faut, sans doute, placer entre la
fête des Tabernacles et celle de la
Dédicace un certain nombre de faits
rapportés par Luc, et qui ne trouvent pas
leur place ailleurs, comme l'envoi des soixante-dix
disciples. Pendant cette dernière
année de sa vie, Jésus alla beaucoup
çà et là, car il avait
abandonné Capharnahum aussitôt
après la crise de la foi des
disciples et avant la fête
des Tabernacles (Ev. de
Luc, IX; 51). Les chapitres
X,
XI,
XII,
XIII, de Luc, doivent être
approximativement placés dans l'automne de
l'an 29. Cet Évangéliste a confondu
en un seul voyage
(IX, 51 - (???) ), les faits qui se
sont passés pendant cette vie errante de
toute une année,
La fête de la Dédicace,
dont il nous est parlé ensuite (Ev. de
Jean, X, 22), durait huit jours et
commençait le 25 Kisleu (du 19 ou 20
Décembre au 27 ou 28 de l'an 29). Jean et
Luc sont donc seuls à nous donner des
renseignements sur les six mois qui
s'écoulèrent d'Octobre 29 à
Avril 30.
Après la fête, Jésus
traverse le Jourdain et s'arrête. Nous ne
savons rien des premiers mois de l'an 30; nous le
trouvons un moment à Béthanie (Ev. de
Jean, XI, 1-46), puis il se retire
à Ephraïm, ville située entre
Silo et Béthel, au nord de Jérusalem.
Il retourne en Galilée, qu'il voit pour la
dernière fois, et revient en Judée
par la Pérée (Ev. de
Matth., XIX, 1, de
Marc, X, 1). C'était son
dernier voyage, il passe à Jéricho,
où il rencontre Zachée, et enfin
arrive à Béthanie (Ev. de
Jean, XII, 1-11. Le repas de
Béthanie se date exactement du samedi 1er
Avril 30 (9 Nisan, jour de sabbat et six jours
avant la Pâque).
Nous voici à la dernière
semaine. Le Dimanche 2 Avril, il entre
solennellement à Jérusalem ; le soir
il retourne à Béthanie (Ev. de
Marc, XI, 11); c'est ce
jour-là que l'agneau était choisi et
mis à part pour la Pâque
(Exode, XII). Les Synoptiques, ne
racontant qu'un seul voyage à
Jérusalem, placent ici un certain nombre de
faits qui se sont passés certainement
à d'autres époques : la purification
du Temple, par exemple, à laquelle le
quatrième Évangéliste assigne
seul sa vraie date. Il en est de même, sans
doute, des réponses aux Saducéens sur
le divorce, aux Pharisiens sur l'impôt,
à un Scribe sur le sommaire de la
Loi.
On ne saurait dire avec certitude, le
lundi 3, il fit telle et telle chose; le mardi 4,
telle autre; un seul fait est hors
de doute : il restait tout le
jour au Temple et le soit il sortait de la ville et
allait passer la nuit soit à Béthanie
(Ev. de
Marc, XI, 9) soit dans une des
fermes du Mont des Oliviers. Il semble donc avoir
pris quelques précautions pour sa
sûreté pendant ces derniers. jours
(voir Ev. de
Jean, XII, 36). Il ne voulait ni
éviter la mort puisqu'il ne retournait pas
en Galilée, ni hâter sa venue, en se
livrant lui-même à ses
ennemis.
Ce fut sans doute le mardi, qu'assis sur
le Mont des Oliviers, en face du Temple, il
prononça ses paroles sur la fin du monde et
sur la ruine de Jérusalem (Ev. de
Matth., XXIV et XXV et parall.) ;
puis il passa le mercredi à Béthanie.
Le soir de ce jour le peuple détruisait le
levain qui lui restait encore (Pesachim, ch.
1).
Le jeudi 13 ou 14 Nisan (6 avril 30) il
envoie deux disciples préparer la
Pâque. L'après-midi il entre à
Jérusalem et monte chez un ami ; tout est
prêt pour un dernier repas avec les
apôtres.
Nous disons le 13 ou le 14 Nisan ; nous
avons expliqué (Livre 1, chapitre XI) cette
incertitude qui tient à l'imperfection du
calendrier chez les Juifs. D'après les
Synoptiques ce fut le 14, d'après Jean ce
fut le 13. Ils sont inconciliables; il faut
choisir. Nous serions d'abord porté à
croire qu'ici encore le quatrième
Évangéliste a raison et que les
Synoptiques se sont trompés d'un jour. La
tradition talmudique est en effet d'accord avec
Jean et place la date de la mort du Christ le 14
Nisan (25). De
plus, Jésus étant mort le 15 aurait
été mis en croix le grand jour de la
fête, ce qui est difficile à admettre;
on ne devait pas exécuter une sentence de
mort à un moment aussi solennel. Simon de
Cyrène, que l'on obligea de porter la croix,
revenait des champs et on n'allait pas travailler
aux champs (Ev. de
Marc, XV, 21) le 15 Nisan.
Nous sommes donc tenté d'admettre
que Jésus fut le 14, au
moment où l'on immolait la Pâque et la
mangeait, à l'heure même de la le
lendemain samedi fut le grand jour de la
fête. Mais, dans cette hypothèse, une
difficulté subsiste et elle est
insurmontable. Jésus, ayant mangé la
Pâque avec ses disciples le jeudi soir,
aurait devancé de vingt-quatre heures la
coutume de son peuple. Les textes des Synoptiques
sont formels : il mangea la Pâque juive, puis
il institua la Pâque chrétienne
(26); Sans
doute le fait que Jésus aurait
devancé la coutume juive n'aurait rien
d'impossible en soi, mais ce qui est absolument
inadmissible c'est la préparation de la
Pâque par deux disciples la veille du jour
ordinaire, c'est-à-dire l'immolation de
l'agneau au Temple faite par un prêtre
vingt-quatre heures avant le moment fixé par
la Loi et où tout le peuple sacrifiait. La
cérémonie pascale à la date du
43 aurait été un sacrilège et
elle n'est admissible à aucun litre ; il
faut donc revenir à la première
hypothèse. Jésus a été
crucifié le 15, le grand jour de la
fête ; ce qui est moins impossible qu'un
sacrifice pascal le 13 Nisan
(27).
Après avoir institué la
Cène il prononça les paroles
conservées dans le quatrième Evangile
(Ch.
XIV,
XV,
XVI,
XVII). Vers minuit ils partent,
traversent les rues silencieuses de
Jérusalem, sortent de la ville par la porte
des Brebis (28)
et gagnent le torrent de Cédron et le Mont
des Oliviers. Jésus passe par l'agonie de
Gethsémané, il est
arrêté et mené chez Hanan qui
avait une maison au sommet de la colline
(29).
Le vendredi 7, de grand matin, on le
conduit à Jérusalem, à la
demeure de Pilate, tout près de la tour
Antonia. Il est jugé par le procurateur dans
la salle pavée du rez-de-chaussée qui
lui servait de prétoire, à
côté du corps de garde. Il
comparaît aussi devant
Hérode Antipas, venu pour la fête et
qui habitait probablement le magnifique palais de
son père
(30).
Condamné au supplice de la croix,
Jésus est mené à l'Ouest de la
ville, hors des murs. Il est crucifié avec
deux autres condamnés dans un terrain vague,
sur un tertre rond et dénudé,
appelé le Crâne, non loin de la porte
des Jardins et en face de la tour Hippicus.
Mis en croix à neuf heures, il
meurt à trois heures
après-midi.
Le soir même, avant six heures,
son corps est descendu de la croix et
déposé tout à
côté dans un tombeau neuf
creusé dans le rocher pour la famille de
Joseph d'Arimathée.
Les autres dates de l'histoire
évangélique sont faciles à
calculer ; la résurrection se place le 9
avril, l'ascension le 18 mai et la première
Pentecôte chrétienne le 28 mai de l'an
30.
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