La Bonne
Nouvelle
1/96
|
.
Avons-nous besoin des
évangiles apocryphes pour mieux connaître
Christ?
L'éditeur Gallimard envisage de
faire paraître en 1996 un ouvrage de la Pléiade
sous forme d'un recueil d'apocryphes ¥ contenant des
récits légendaires sur l'enfance de
Jésus. Une équipe de théologiens
protestants lausannois, avec le professeur Jean-Daniel
Kaestli comme cheville ouvrière, a été
chargée de réaliser la publication de ces
écrits apocryphes ou pseudépigraphes ¥. On y
trouve des narrations présentant Jésus sous un
faux jour (un enfant colérique et vengeur...), ainsi
que des épisodes légendaires, voire
mythologiques, avec bien des détails que les quatre
Evangiles ignorent totalement et qui sont même parfois
en flagrante contradiction avec la lettre et l'esprit du
texte biblique. Même si l'Eglise romaine n'a pas
reconnu à cette littérature la
canonicité ¥ dont jouissent tous les écrits du
Nouveau Testament, elle y a puisé des
éléments qu'elle a introduits dans sa
tradition, en particulier la mariolâtrie, y compris
l'assomption de Marie.
|
Promesses
1983
- 3 / No 67
Victor Rodriguez
|
.
La Bible et les livres
apocryphes
La Bible se compose de deux ensembles
d'écrits : le Nouveau Testament, proche de nous dans
le temps, relate la vie et l'oeuvre de Jésus-Christ
et de ses apôtres, l'Ancien Testament retrace, en
particulier, l'histoire du peuple juif choisi par Dieu pour
se révéler aux hommes. Le texte de l'Ancien
Testament nous a donc été transmis par
l'intermédiaire d'Israël.
Pour l'essentiel, les traductions
dites protestantes et catholiques sont faites à
partir des mêmes manuscrits. Toutefois, certaines de
ces traductions de la Bible renferment dans le cadre de
l'Ancien Testament quelques écrits (au nombre de
huit, plus quelques fragments) dont la particularité
est de n'avoir jamais appartenu, de près ou de loin,
au texte hébreu de la Bible. L'Eglise Catholique les
considère comme « deutéro-canoniques
» (c'est-à-dire faisant partie d'une seconde
norme). Il s'agit des livres de Judith, Tobie, 1 et 2
Macchabées, la Sagesse, l'Ecclésiastique ou
Siracide, Baruch, une lettre prétendument de
Jérémie, et des fragments d'Esther et de
Daniel. On ne sait s'ils furent écrits initialement
en hébreu ou en grec.
A cause de leur origine obscure, ces
livres sont appelés « Apocryphes », du
grec, que le dictionnaire Bailly traduit ainsi : «
soustraits aux regards, cachés, secrets ; en parlant
des livres saints non canoniques, apocryphes veut dire tenus
cachés, non lus dans les synagogues ou dans les
églises ».
ORIGINE DES LIVRES DITS
DEUTÉRO-CANONIQUES OU APOCRYPHES
DIFFUSION
APPRIECIATION
|
En ce
temps-là, la Bible
No
35 page IV.
J. DHEILLY
Professeur à
l'Institut catholique de Paris
Texte intégral
|
.
Des livres faits non pour informer,
mais pour édifier
Durant que la Bible se tait,l'histoire
profane prend le relais. L'empire perse, par deux fois, se
rend maître de l'Égypte. Mais, au milieu du IVe
siècle avant notre ère, paraît un
prestigieux conquérant : Alexandre le Grand, roi de
Macédoine. Il met fin à la puissance perse
(333 av. J.-C.) et s'empare de toutes les possessions du
Grand Roi. Il conquiert à son tour l'Égypte et
emmène ses armées vers l'Inde. Peut-être
a-t-il traversé la Palestine, même s'il ne faut
pas retenir la légende d'un sacrifice offert par lui
au Temple de Jérusalem. En tout cas il a
favorisé les Juifs, les attirant à Alexandrie,
ville qu'il venait de fonder. Un quartier (delta) leur est
octroyé et, aux jours de fête, ils
bénéficient des mêmes distributions
gratuites que les Gréco-Macédoniens.
A la mort d'Alexandre, ses
généraux se disputent le pouvoir. Enfin, en
280, son immense empire est divisé en trois parties;
à la tête de chacune d'elles, une dynastie se
créera, qui tentera d'élargir ses emprises aux
dépens de ses voisins : les Antigonides en
Macédoine, les Lagides en Égypte, les
Séleucides en Asie.
Jusqu'en 200, les Juifs de Palestine
sont sous la domination bienveillante des Lagides. A
Alexandrie, ils entrent en contact avec la civilisation
hellénistique, et la Bible sera traduite, au Ille
siècle avant Jésus-Christ, d'hébreu en
grec : ce sera la version des Septante.
Cependant la bataille de Paneion,
livrée au pied de l'Hermon en 200 avant
Jésus-Christ, fait basculer les Juifs palestiniens du
côté des Séleucides. Désormais
tout va changer. Les monarques d'Asie se trouvent en face de
populations d'une diversité extrême. Pour les
unir, ils s'emploieront à leur imposer la
civilisation grecque, y compris la religion.
Habituées au polythéisme, elles l'accepteront
dans l'ensemble, et rendront même à leurs
souverains un véritable culte. Par contre, un grand
nombre de Juifs, élevés dans le
monothéisme ancestral, refuseront de sacrifier aux
dieux païens, non moins qu'au roi. Et ce sera la
persécution.
Mais vaut-il de perdre ses biens,
voire sa vie, pour une pareille fidélité? La
puissance païenne ne rend-elle pas toute
résistance finalement impossible ou
inefficace?
Ainsi va naître toute une
série d'ouvrages qui répondront à cette
question et ranimeront la foi des persécutés.
Tobie, Judith, Esther sont de cette veine.
Ce ne sont pas des livrets historiques
de documentation, mais d'édification. Les
spécialistes appellent cela des « midrashim
». Le « midrash » (au singulier) est un
développement littéraire, narratif ou
juridique, qui part d'un personnage traditionnel, d'un
événement ancien ou d'une obligation
législative, en vue d'en tirer un
enseignement.
Dans ces trois petits ouvrages on ne
cherchera donc pas une histoire « vraie »,
semblable à celle de David par exemple. Par contre on
y découvrira facilement une « belle histoire
» qui pouvait affermir la confiance des Juifs
persécutés en un Dieu qui dans le passé
avait toujours usé de sa Toute-Puissance pour le
salut de son peuple.
|
En ce
temps-là, la Bible
No
55 page IV.
J. DHEILLY
Professeur à
l'Institut catholique de Paris
|
.
La femme dans
l'Ecclésiastique
A-t-on assez dit que les auteurs des
livres sapientiaux et notamment celui de
l'Ecclésiastique étalent misogynes? Le terme
lui-même n'a pas grand sens lorsqu'Il s'agit de
l'Ecriture : aucun texte biblique ne peut exprimer
réellement haine ou aversion pour celle qui f ut
créée « semblable » à Adam
et, selon la volonté divine, ne fait qu'un avec lui,
car « Il n'est pas bon que l'homme soit seul ».
(GENESE, chap. 2, vers. 18-24.) Il en est de la femme comme
Il en va de l'homme : elle est digne de louanges ou de
blâmes, dangereuse ou bienfaisante, selon ses oeuvres.
Il demeure que chaque écrivain sacré, parce
qu'Il est homme, et appartient à tel milieu et
à tel siècle, en parle à sa
manière.
Jésus ben Sira envisage surtout
la femme sous les traits de l'épouse, et d'un point
de vue bien particulier : celui du mari et du
père.
Il n'a pas grand souci du choix que
l'épouse elle-même a pu faire, et donne pour
principe de base :« La femme épousera n'importe
quel homme, mais telle fille est meilleure qu'une autre
» (chap. 36, vers. 23).
« Bienheureux le mari de la bonne
épouse ! » (chap. 26, vers. 1 ). Est-ce un
idéal ? La sienne était-elle parfaite?
Mais alors, à quels
critères se référer ?
Surtout qu'il évite la femme
méchante !
« Bois l'eau de ta propre citerne
! »
|
En ce
temps-là, la Bible
No
54 pages I-II.
Pierre GRELOT
|
.
L'ECCLESIASTIQUE bilan de la
tradition juive qui va affronter
l'hellénisme
M. l'abbé Pierre Grelot est
l'autour d'une « Introduction aux livres saints
»(1) ouvrage à la fois très dense et
très accessible. Il « introduit » en
particulier fort bien à l'Ecclésiastique, dont
ce numéro poursuit la publication. La lecture de ce
livre biblique composé sans ordre logique, et donc
déroutant pour nos esprits occidentaux, s'en trouvera
singulièrement éclairée. M. Grelot y
distingue une première partie (chap.1, vers.1
à chap. 42, vers, 14), suite de morceaux
juxtaposés qui traitent de tout, mais dont les
sentences sont toutefois mieux regroupées par sujet
que dans les Proverbes; une seconde partie (chap. 42, vers.
15 à chap. 50, vers. 28) qui est une
méditation sur les oeuvres de Dieu, dans la
création et dans l'histoire; enfin un appendice
(chap. 50, vers. 29-31 et chap. 51 tout entier) qui renferme
un cantique d'action de grâces et un poème sur
la recherche de la sagesse. Nous reproduisons ici pour nos
lecteurs la vue d'ensemble sur l'ouvrage du Siracide plus
souvent dit l'Ecclésiastique.
Jésus ben Sira, ou le Siracide,
est un maître qui tient école de sagesse. Il
ressemble en cela à l'éditeur des Proverbes;
mais, entre les deux, il y a probablement eu la
réforme d'Esdras, aussi met-il davantage l'accent sur
la Loi, seule source de la sagesse véritable. On ne
se trompera guère on l'imaginant comme
l'ancêtre de ces docteurs de la Loi dont la silhouette
passe dans les Évangiles; mais il est difficile de
dire s'il est un docteur laïc ou s'il appartient
à la caste sacerdotale, comme pourrait le faire
penser son admiration pour Aaron (ECCLÉSIASTIQUE (2),
chap. 45, vers. 7-27) et le grand prêtre Simon, son
contemporain (chap. 50, vers. 1-23).
Le sage est « homme
bien élevé » mais sa sagesse est en Dieu
et dans la Loi
L'écho de toutes les
Écritures
|
En ce
temps-là, la Bible
No
55 pages I-II.
|
.
Jésus ben Sira,
écrivain sacré de l'Ecclésiastique
passe aussi pour « LE PREMIER DES RABBINS
»
Dom Hilaire Duesberg,
bénédictin du monastère de Maredsous
(Belgique) demeurera assurément au tout premier rang
de ceux qui ont renouvelé la connaissance des livres
sapientiaux en les situent dans le cadre historique des
sagesses orientales, et notamment égyptiennes, sans
dénier en quoi que ce soit leur inspiration divine.
Il publia les résultats de son enquête en
1937-1939 dans les deux volumes intitulés les Scribes
inspirés dont il fit, pou avant sa mort, une
réédition remaniée en 1965. C'est de
cet ouvrage (1) qu'est tiré ce portrait de l'autour
de l'Ecclésiastique, Jésus bon Sira, dit
« la Siracide ».
Le Siracide a pris le meilleur de sa
philosophie dans la Tora, Il fut grand liseur avant
d'être un écrivain abondant et la source
où il puisa avec le plus d'assiduité fut
l'Écriture. Mais, parmi les livres canoniques, il en
est un qu'il a ruminé de préférence, et
dont on doit dire qu'il le glose encore plus qu'il ne le
cite; c'est le livre des Proverbes. Il n'avait plus à
frayer la voie comme les sages d'avant l'Exil; ce
n'était pas un penseur original à la
manière du Qohéleth (l'auteur de
l'Ecclésiaste) ou de l'auteur de Job; c'est un
glossateur, mais ingénieux, discernant bien les
morceaux à choisir et sachant les mettre en
valeur.
Un conservateur
doublé d'un progressiste
Il en appelle à tous les livres
de la Bible hébraïque
|
En ce
temps-là, la Bible
No
36 page IV.
J. DHEILLY
Professeur à
l'Institut catholique de Paris
|
.
Un triomphe des justes contre
l'éternel « ennemi »
Le livre de Judith, dont l'autour est
inconnu, se situe bien dans la ligne des persécutions
contre le peuple juif, et semble bien faire allusion
à celle d'Antiochus Épiphane qui mourut en 164
av. J.-C. Cependant beaucoup ont tendance à repousser
la date de sa composition à une époque un pou
plus récente : vers 150 avant notre
ère.
Comment caractériser cette
narration? A la différence du livre de Tobie, aucun
ange n'y paraît, mais le caractère historique
n'en est pas augmenté pour autant, comme certains
seraient tentés de la penser, alors que
l'intervention divine n'a rien à voir dans ce propos.
Mais les invraisemblances fourmillent sur les plans de
l'histoire et de la géographie. Nabukodonosor est
donné comme roi d'Assyrie alors que l'empire assyrien
n'existe plus de son temps. Tantôt l'on se croirait en
milieu perse, mais l'instant d'après nous sommes
plongés dans les coutumes grecques; enfin
Béthulie semblerait être une ville facile
à situer en Samarie mais l'ensemble des indications
empêche de lui trouver une position bien nette sur une
carte. Tout indique qu'on fait la volonté de
l'autour, dans cette liberté étonnante, n'est
pas de rapporter un fait historique bien
déterminé. Il oriente les lecteurs vers la
leçon religieuse : Dieu, une fois de plus, a le
dernier mot; il est assez puissant pour anéantir ses
ennemis et faire triompher ses amis fidèles.
Une «apocalypse
» c'est-à-dire une «
révélation »
|
|
ACCUEIL
|