En ce temps-là, la Bible

No 58 page IV.
P. CRISOLIT

 

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Le messianisme d'Isaïe

L'apparition de l'Emmanuel, « Dieu avec nous » (Isaïe, chap. 7, vers. 14), né d'une jeune mère spécialement choisie, signifie l'ouverture d'une ère de félicité. On sait que la tradition chrétienne, à la suite de saint Matthieu (chap. 1, vers. 23), a vu dans ce passage l'annonce explicite de la naissance virginale de Jésus (voir No 56, page 1333)

Le poème qui, au chapitre 9, chante l'avènement de l'enfant messianique, insiste surtout sur la paix que celui-ci apporte au monde. Comme au premier chapitre de la Genèse la lumière fait soudain place aux ténèbres. Certains pensent que la mention des habitants du pays« des ombres de la mort »(vers. 2) pourrait signifier que la joie résultant de cette naissance s'étend jusqu'au séjour souterrain des défunts. Le prophète accumule les images pour donner une idée de cette allégresse sans précédent qui a pour raison d'être le passage de la servitude à la liberté et de la guerre à la paix parfaite : on brûle même les « vêtements maculés de sang » des soldats, parce que c'en est fait désormais de toute guerre. Nulle part l'accent n'est mis sur la toute-puissance politique du Messie. Toute idée de vengeance est exclue, puisqu'il n'y a plus ni tyrans ni violences.


En ce temps-là, la Bible

No 56 pages I-II.
RP Louis Bouyer

de l'Oratoire

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Le messianisme du "fils de David" des livres anciens à l'Emmanuel du prophète Esaïe

On donne le nom de« Messianisme» au mouvement d'espérance qui emporte peu à peu le judaïsme comme au-devant de l'Evangile et qui se concentre sur la figure que nous appelons t( le Messie ». Ce terme n'est qu'une forme francisée d'un mot hébreu qui signifie« l'Oint », c'est-à-dire celui sur lequel a été versée l'huile, ,symbole de consécration divine (voir, par exemple, 111, SAMUEL, chap. 10). Le mot « Christ » n'est, de même, qu'une adaptation à notre langue du mot grec correspondant.

Dans les plus anciens textes bibliques comme celui que nous venons de citer, l'oint du Seigneur est simplement le roi israélite, mais en tant qu'il représente,et est supposé réaliser, la royauté de Dieu lui-même sur son peuple. A Saül, qui ne s'est pas prêté à n'être qu'un instrument docile du règne divin, David sera substitué. Lui, au contraire, restera comme l'image de l'Oint du Seigneur fidèle à sa vocation et à sa consécration : non qu'il nous soit présenté comme un « saint » exempt de reproches, mais plutôt parce qu'il sera prêt à reconnaître ses péchés et à s'en repentir à la voix du prophète (voir 2e SAMUEL, chap. 12).

L'espoir d'un roi puissant et glorieux

Fils de l'homme et serviteur souffrant


En ce temps-là, la Bible

No 33 pages IV.
J. DHEILLY

Professeur à l'Institut catholique de Paris

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Les livres d'Esdras et de Néhémiefont suite à ceux des Chroniques, en laissant toutefois un vide : celui de l'exil, dans la narration historique.

On sait que de 586 à 539 une grande partie de la population juive déportée de Jérusalem séjourne à Babylone et dans sa banlieue, où elle est soumise à Nabukodonosor et à ses successeurs. Mais, en 539, Cyrus, roi de Perse, s'empare de Babylone; l'année suivante, il autorise les Juifs à retourner en Palestine pour y reconstruire le temple de Yahvé, « Dieu du ciel et de la terre », qu'il semble assimiler à la divinité suprême des Perses, Ahura-Mazda. Sous l'autorité d'un prince royal de Juda, Sheshbassar ou Zorobabel, une première caravane quittera la Babylonie en 538; une seconde suivra en 532; ceux qui les composent assureront la base de la communauté d'après l'Exil.

Depuis 586, le territoire du petit royaume de Juda avait été annexé à la province de Samarie, constituée au temps de la conquête assyrienne et conservée par les Babyloniens, ce qui explique que toute activité se manifestant en Juda sans l'aveu des autorités samaritaines ait pu être dénoncée comme une coupable tentative de sécession. Ce n'est qu'en 445 que Néhémie obtiendra l'autonomie administrative de Jérusalem et de sa région; sans d'ailleurs que cette mesure décourage toute opposition à son oeuvre.

Esdras avant, pendant, ou après Néhémie ?


En ce temps-là, la Bible

No 33 pages I-II.
P. CRISOLIT

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Les "revenants" de l'exil ont connu les déboires des «Sionistes» israéliens

Bien sûr le texte biblique, transmis à l'humanité tout entière comme l'expression de la parole de Dieu, ne doit ni ne peut être sollicité au profit de quiconque; fût-ce des héritiers traditionnels de ceux qui durant des millénaires ont reçu mission de le recueillir et de le préserver à travers les vicissitudes de l'histoire. Que la « Terre promise » soit désignée dans l'Écriture comme celle qui fut donnée aux douze tribus d'Israël ne tend nullement à justifier telle ou telle action militaire au proche Orient en 1970. Pas plus que ce qui est écrit du renvoi d'Agar et d'Ismaël dans l'Ancien Testament, ou des contempteurs du Christ dans le Nouveau, ne justifie jamais la moindre persécution des descendants, bien incertains d'ailleurs, de Sara ou de Caïphe. L'Écriture est à tous les enfants de Dieu, c'est-à-dire à tous les hommes. Totalement engagée aujourd'hui comme hier lorsqu'il s'agit de l'histoire du salut; mais politiquement neutre. Il demeure que la riche expérience qu'elle reflète, étendue sur des siècles et des siècles de la vie de peuples dont à des titres divers notre civilisation porte la marque, présente souvent des analogies avec des situations rencontrées aux époques récentes ou actuelles. Les découvrir permet seulement de mieux comprendre l'aspect humain des événements rapportés dans ces livres qui parlent d'un « retour », commencé au VI ème avant notre ère.

Toute expérience humaine trouve dans ces textes millénaires un précédent adopté à la situation du moment présent :

Les conditions que connurent les « revenants » de l'Exil du temps d'Esdras et Néhémie, et dès le premier convoi du retour sous la conduite de Sheshbassar (le plus souvent identifié à Zorobabel), au lendemain de l'édit de Cyrus, ne sont pas très différentes de celles que rencontrèrent les « Sionistes » contemporains.

Des « oppositions » inspirées par des motifs de même nature


En ce temps-là, la Bible

No 37 pages I-II.
Dom J. GOLDSTAIN

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Le "rouleau" biblique le plus populaire

Les livres d'Esdras et de Néhémie reflétaient les problèmes permanents de la reconstruction d'un Etat juif en Palestine. Celui de Judith formulait le principe caché de toute l'action de Dieu dans l'histoire juive. Celui de Tobie et celui d'Esther illustrent, quant à eux, la situation précaire des Juifs de la dispersion (Diaspora). Esther, plus encore que Tobie, sur lequel l'impact de l'Exil joue somme toute assez peu, évoque le péril constant dans lequel va se trouver le judaïsme. Par l'esprit dont ce livre est le témoin, bien mieux que par les faits rapportés.

Nous connaissons, par Esdras et Néhémie, l'établissement sans Intention de retour d'un certain nombre de Juifs au coeur du grand empire qui va « de l'Inde à l'Éthiopie », à la suite de l'exil babylonien et de la conquête perse. Mais Il apparaît que la bienveillance dont firent preuve à l'égard des fidèles du Dieu d'Israël les premiers souverains de la dynastie des Achéménides, fondée par Cyrus le Grand, rend très peu vraisemblable l'ordre d'extermination lancé par le roi, dont fait état l'auteur d'Esther. Encore plus Invraisemblable est peut-être le décret de ce même roi autorisant les Juifs à se venger en massacrant sans compter les Perses. A quoi bon s'attarder à discuter ce point d'histoire ou supputer en outre l'âge que Mardochée,

déporté sous Nabukodonosor (597 av.J.-C.) et officier du Palais sous Xerxès (486-465), aurait eu au moment des faits? Il est évident que la portée du livre est ailleurs.

Déjà, la « solution finale »


En ce temps-là, la Bible

No 37 page IV.
J. DHEILLY

Professeur à l'institut catholique de Paris
Texte intégral

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Dans les pires épreuves, une leçon de confiance

Le texte du livre d'Esther est très curieux. On part de l'hébreu, langue originale, que saint Jérôme a traduit dans la Vulgate. Mais de son temps existait une traduction grecque qui fournissait un texte plus long, en raison de certaines additions (le songe de Mardochée et les édits d'Assuérus notamment). Il les a traduites, les jugeant intéressantes, mais les a rapportées en finale.

Il demeure que le récit, tel quel, se lit facilement : la grâce de l'héroïne, un certain élément dramatique qui tient le lecteur en suspens, l'opposition entre un Mardochée fier de sa race et un Aman orgueilleux de son pouvoir, font de l'ouvrage un ensemble fort intéressant.

Si l'on ajoute à cela qu'Esther met sa vie dans la balance au cours de l'action qu'elle mène pour sauver son peuple, et que la menace de pogrom que rapporte le récit a été chose courante dans la vie du peuple choisi, on comprendra qu'après de multiples discussions, ce livre ait trouvé une grande faveur auprès des Juifs de l'ère chrétienne.

L'auteur à qui on le doit est inconnu. On en fait un contemporain de la persécution d'Antiochus Épiphane que racontera le 1er livre des Maccabées. Littérairement, il fait partie de ces midrashim, récits édifiants que nos lecteurs connaissent bien désormais, et où, à côté de développements redevables à la pure imagination, on trouve un certain cadre historique. Certes Vasthi et Esther sont inconnues de la grande histoire; mais Xerxès-Assuérus est un personnage dont nous parle Hérodote. Et si le pogrom dont il est ici question ne s'harmonise pas avec la politique libérale des Achéménides, par contre bien des coutumes perses rapportées correspondant à la réalité.

L'enseignement religieux visé par la narration est identique à celui du livre de Judith. Ici et là, Israël est sauvé de la destruction par la main d'une femme. Certes l'organisation de tueries réciproques, suivies ou non d'effet, heurte notre mentalité d'hommes pétris de civilisation chrétienne. Le massacre pro. jeté des Juifs indique l'hostilité dont ils étaient souvent l'objet et qui se manifestera plus tard dans le monde romain; en regard, l'extermination de 75 000 Perses implique un esprit de vengeance qui en lui-même n'est sûrement pas exemplaire. Le caractère excessif de ces initiatives est sans doute destiné à servir l'élément dramatique; mais surtout la gravité et l'étendue de la menace mettent en valeur le salut accompli par Dieu. D'où la leçon dernière : avoir confiance en Lui au milieu de la pire épreuve.


En ce temps-là, la Bible

No 66 page IV.
P. CRISOLIT

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La structure du livre d'Ezéchiel

A la différence des livres d'Isaïe et de Jérémie qui engrangent la Parole divine transmise par chacun des deux prophètes, ou les inspirés de leur tradition, avec le souci évident de n'en rien perdre plutôt que d'on faire le tri selon de rigoureux critères bien pensés, le livre d'Ézéchiel apparaît méthodiquement présenté.

Assurément il ne faut pas y chercher la savante composition d'un auteur qui aurait médité un plan rigoureux dans le recueillement du cabinet, avant de rédiger à loisir. Le prophète de ,'Exil est mêlé lui aussi corps et âme à l'auditoire qu'il a mission d'éclairer, et aux événements qu'avec lui il vit. Lui aussi s'exprime selon l'impulsion divine, au moment qu'a choisi l'Esprit, non au moment de son propre choix.

Et lui aussi sans doute traduit d'abord le message en paroles, et parfois en actes, avant qu'il ne soit consigné par écrit pour les générations futures. Mais, qu'elle soit due à Ézéchiel lui-même ou aux scribes qui ont définitivement fixé le texte sacré tel que nous le connaissons, la structuration de l'ouvrage est ici évidente.

Après l'introduction (chap. 1 à chap. 3, vers. 21 ), qui comporte le récit de la grandiose vision où se manifeste « la gloire de Yahvé » et qui précise la vocation du prophète, on distingue quatre parties :

Pourquoi Babylone semble ici épargnée

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