En ce temps-là, la Bible

No 65 page IV
J. DHEILLY

Professeur à l'institut catholique de Paris

 

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Le prophète de l'Exil parmi les exilés

Trois déportations successives vers la Babylonie ont saigné à blanc le pays de Juda: l'une en 597 av. J.-C., à la suite des menées du parti pro-égyptien de Jérusalem (2 e ROIS, chap. 24, vers. 10- 17) ; l'autre, la principale, en 586, après la prise, le pillage et l'incendie de la ville, conséquences d'une révolte ouverte contre Nabukodonosor (2e ROIS, chap. 25, vers. 12); la troisième en 581, qui suivit de peu l'assassinat du gouverneur Godolias (JÉRÉMIE, chap, 52, vers. 30). Elles ne laissent dans l'ancien royaume du sud qu'une population infime, composée de gens modestes, et qui, du point de vue religieux, ne peuvent être à l'origine d'un renouveau.

Au contraire, les exilés représentent l'élite politique et religieuse du royaume. C'est pratiquement Juda transporté en terre babylonienne avec ses chefs : notables, prophètes, prêtres. Parmi ces derniers, Ézéchiel, fils de Buzi, qui vraisemblablement fit partie de la première caravane avec le roi Joakin, « sa mère, ses serviteurs, ses chefs et ses eunuques ». Disciple de Jérémie, il reprendra à Babylone l'enseignement de son maître, poussant la réflexion prophétique un pou plus loin encore. D'un tempérament différent, peut-être moins vulnérable, il souffrira néanmoins comme lui de l'indifférence des uns et de l'endurcissement des autres. mais surmontant lui aussi l'adversité, il saura adapter son enseignement aux circonstances.

Les infidèles désespérés appelés à la sainteté

© En ce temps-là, la Bible


En ce temps-là, la Bible

No 65 pages I-II.
Dom J. GOLDSTAIN

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Les grandes pages du grand visionnaire

Ézéchiel, le troisième des grands prophètes, n'est ni un intellectuel comme Isaïe, ni un hypersensible comme Jérémie qui fut son maître. On a pu parler dans son cas de catalepsie sacrée. Il s'agit assurément d'un homme chez qui dominent les nerfs. Chaque appelé répond à sa vocation avec ce qu'il est, et celui qui l'appelle en tire le meilleur. Les deux traditions, la juive comme la chrétienne, ont retenu en entier le message de ce grand visionnaire; il comporte des pages d'une extraordinaire puissance et dont l'interprétation ne sera jamais achevée.

La vision divine dont rend compte le chapitre premier du livre d'Ézéchiel est une des plus grandioses, mais aussi des plus énigmatiques.

La tradition juive ésotérique, la kabbale, considère que ce texte est fondamental, mais estime qu'il ne convient pas de l'étudier, selon les méthodes kabbalistes du moins, sans maître ou avant l'âge de la maturité : les mystères qu'il permet d'approcher sont tels que leur révélation, même partielle, risquerait d'affecter l'équilibre du psychisme humain. Maïmonide, le grand théologien et philosophe juif du XII ème siècle, voit dans les quatre êtres aux formes fantastiques qui participent au trône de Dieu les quatre éléments des Anciens : l'air, le feu, la terre et l'eau, qui participent à la structure du cosmos.

Une esquisse du « Bon Pasteur »

A l'image de ce qui attend tout le « peuple de Dieu » au dernier jour

© En ce temps-là, la Bible


En ce temps-là, la Bible

No 62 page I.
J. DHEILLY

professeur à l'Institut catholique de Paris

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LES PSAUMES «SELON JÉRÉMIE »

Certains psaumes qui décrivent les épreuves de la communauté juive, qui avouent les péchés d'Israël et expriment l'espérance que Dieu sauvera son peuple, paraissent bien inspirés du grand prophète témoin du châtiment de Jérusalem. Les auteurs de ces chants, composés pour la plupart durent las deux siècles qui ont suivi l'Exil, font allusion à un groupe de croyants au coude à coude face aux pervers, et persécutés comme le fut jadis Jérémie, modèle de ceux qui souffrant pour accomplir leur mission selon la volonté de Dieu.

Dès l'arrivée de la première caravane de rapatriés issus de Babylonie, en 537 av. J.-C., les populations mêlées qui occupaient la terre des ancêtres, faites d'un « reste » affadi et d'apports étrangers, cherchèrent à entraver l'effort des « revenants » purifiés par l'épreuve et décidés à rendre la cité de David à sa vocation de capitale religieuse sinon politique; encore qu'il soit alors bien difficile de distinguer nettement les deux rôles. On songera en particulier aux agissements des Samaritains qui s'opposèrent avec tant de zèle à la reconstruction du Temple de Jérusalem; ils n'étaient d'ailleurs pas les seuls.

On découvre alors, chez les psalmistes qui appartiennent à la communauté des fidèles, une parenté spirituelle incontestable avec Jérémie, disparu en Égypte depuis 580 av. J.-C. environ, victime de ceux qu'il essayait de ramener à la Loi, assure la tradition.

Une foi inébranlable jusque dans les prières les plus plaintives

© En ce temps-là, la Bible


En ce temps-là, la Bible

No 60 page IV.
J. DHEILLY

Professeur à l'institut catholique de Paris

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« UNE LUMIERE POUR LA ROUTE »

Le livre de Jérémie nous met en présence d'un homme très proche de tout homme: qui souffre et se décourage, qui renâcle devant sa mission et qui ne ménage pas ses confidences. Il a sans doute environ dix-huit ans lorsque Dieu l'appelle pour faire de lui son messager; mais aussitôt, devant une responsabilité qu'il prévoit très lourde, sa sensibilité réagit et il faut que Dieu mette toute son autorité dans la balance pour que le jeune homme accepte. Il en sera ainsi durant toute la vie du prophète : on a l'impression d'une opposition permanente entre son tempérament et la charge qu'il assume, l'humaine faiblesse et la force qui l'anime.

Les circonstances renforcent le pessimisme naturel de Jérémie. La réforme du roi Josias aurait pu rendre vigueur à la vie religieuse et remédier sur ce plan au règne désastreux de Manassé. Hélas! la mort du roi à Megiddo en 609 (2e ROIS, chap. 23, vers. 29) remet tout en question. Et surtout l'imprudence ou la veulerie politique de monarques comme Joakim ou Sédécias détermine les interventions des Babyloniens.

Parfois assailli par le découragement

Le Dieu de vie et d'amour

© En ce temps-là, la Bible


En ce temps-là, la Bible

No 17 page IV.
J. DHEILLY

Professeur à l'Institut catholique de Paris

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Le livre de Josué: une démonstration de la puissance de Dieu

Le livre de Josué est le reflet d'un « temps fort » de l'histoire d'Israël : il raconte les débuts de la conquête de Canaan. Mais l'auteur a pour premier souci de montrer qu'en cette occasion Dieu a manifesté sa puissance en faveur de son peuple, comme il l'avait fait précédemment tout au long de l'Exode. Il insiste sur les événements qu'il considère comme essentiels et qu'il puise dans la tradition la plus ancienne : le passage du Jourdain, la prise de Jéricho, la victoire de Gabaon. Et, comme les auteurs de l'Exode, il présente les faits dans un style particulier : le genre historique revêt ici tantôt une couleur épique, tantôt une couleur liturgique, dont il faut tenir compte.

LE PASSAGE DU JOURDAIN

LA PRISE DE JÉRICHO

LA VICTOIRE DE GABAON

© En ce temps-là, la Bible


En ce temps-là, la Bible

No 64 pages I-II.
Dom J. GOLDSTAIN

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"Comment" Yahvé a-t-il pu livrer son temple, sa ville, son peuple ?

Toute la théologie douloureuse et interrogative des cinq poèmes regroupés sous le titre de« Lamentations de Jérémie » peut se résumer dans le premier mot du premier poème : « Eikah », Comment?... C'est l'interrogation angoissée du peuple choisi devant sa propre ruine. Comment a-t-elle été possible? Comment Jérusalem, la ville sainte, le lieu unique de la résidence divine, a-t-elle pu être livrée à la fureur des païens? Comment les païens ont-ils pu avoir raison du sanctuaire de Dieu et fouler aux pieds les parvis qui leur étaient interdits? Comment les fils d'Israël ont-ils pu être déportés comme vil troupeau? Comment la détresse de la « fille de Sion » a-t-elle pu atteindre ce degré d'horreur?... Des femmes ont mangé le fruit de leurs entrailles, des nourrissons sont morts de faim et de soif ; des prêtres et des prophètes ont été égorgée : « Tu as fait de nous, au milieu des peuples, des rejetés » (chap. 3, vers 45).

Poésie douloureuse et poignante que celle de ces strophes qui, sous des formes variées et avec une puissance d'inspiration extraordinaire, posent ainsi de multiples façons une unique question.

Quatre des cinq lamentations ont conservé dans le texte hébreu une structure alphabétique, comme il en va de certains psaumes (1). La cinquième, dans la forme que nous lui connaissons, ne rappelle plus l'intention que par le nombre des vers qui la composent : vingt-deux, autant que de lettres dans l'alphabet hébreu. Les deux premières et la quatrième sont faites de vingt-deux strophes composant l'acrostiche par la première lettre de leur seul premier vers.

Chant des « Ténèbres » et chant du 9 d'Ab

Comme Jérémie lui-même...

© En ce temps-là, la Bible


En ce temps-là, la Bible

No 35 page III.
André FROSSARD
Texte intégral

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Le « livre de Tobie » - «Je» ou «Il»

Fidèles au principe d'homogénéité qui a dicté notre choix, nous présentons aujourd'hui au lecteur d'« En ce temps-là » le « livre de Tobie » dans la version de saint Jérôme, qui suit l'araméen.

Saint Jérôme ayant affirmé que, l'original du livre de Tobie avait été écrit dans cette langue, il est bien naturel que nombre de critiques soutiennent le contraire et penchent pour le grec, tout en reconnaissant qu'il n'existe aucune preuve à cet égard et même - c'est bien le plus extraordinaire - que les manuscrits de la mer Morte (Trois Tobie en araméen, un en hébreu) donnent à penser que l'original était... araméen. La principale différence entre la version de saint Jérôme et le grec est qu'elle met à la troisième personne ce qu'il met à la première : avec l'araméen, saint Jérôme parle de Tobie, le grec fait parler Tobie. A notre avis, la manière dont sont exposées les vertus du héros nous paraît trop peu compatible avec son humilité profonde pour que nous puissions croire, sur de simples conjectures, qu'il a dressé lui-même son panégyrique (au début du récit). J'ajouterai opinion toute personnelle que le texte « autobiographique » sent terriblement sa littérature, et n'a pas cette concision, ce naturel suprême que les écrivains n'ont pas fini d'admirer dans la Bible, et qui se retrouve, intact, dans le texte suivi par saint Jérôme.

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En ce temps-là, la Bible

No 11 page IV.
J. DHEILLY
Texte intégral

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Le 4 éme livre du Pentateuque. Complexe, mais d'une présentation fort variée

La désignation courante du quatrième livre du Pentateuque, aritmoï en grec, numeri en latin, NOMBRES en français, n'est pas originelle; elle vient du traducteur grec, qui a sans doute voulu ainsi souligner la dominante extérieure de l'ouvrage : les précisions numériques visant les différents recensements du peuple, la matière des sacrifices, les temps exigés par la liturgie, les dimensions du territoire des tribus.

On n'oubliera pas ce qui a été dit pour la composition générale du Pentateuque (1).

On retrouve ici en effet les documents de base qui constituent les sources yahviste (IX. s. av. J.-C.) et élohiste (VIII. s. av. J.-C.). On pensera aussi aux cercles sacerdotaux de l'exil qui ont retravaillé ces données anciennes à la lumière des prophéties d'Ezéchiel. donnant ainsi une première édition globale de ce livre que nous appelons les Nombres (VIe s. av. J.-C.). Une seconde et dernière édition a été faite à l'époque d'Esdras (IVe s. av. J.-C.).

Aux yeux du lecteur moderne non averti n'apparaît pas de lien bien logique entre les éléments fort différents qui composent le texte que nous lisons aujourd'hui. A la base il y a des événements historiques_ visant la période comprise entre l'étape du Sinaï et le séjour aux plaines de Moab. Des codes législatifs ont trouvé là leur point d'insertion, ce qui peut être déjà déroutant : enfin le rédacteur sacerdotal a sans doute voulu sauvegarder les traditions anciennes et souvent s'est contenté de les juxtaposer. Seuls les spécialistes peuvent tenter d'y voir clair.

Mais pour tous, si les textes législatifs apparaissent dans leur austérité didactique, avec leur technicité et leurs répétitions, les textes narratifs sont généralement fort attachants. Certes, ils mentionnent des événements qui appartiennent au tissu historique de la vie d'Israël, mais la présentation en est variée.

 

Un mélange de prose et de poésie

La révolte de Coré (chap. 16) est un des nombreux incidents de ce genre qui marquèrent le séjour au désert et que l'on a déjà rencontrés au livre de l'Exode: le refus d'Edom de laisser passer Israël sur son territoire (chap. 20) est non moins vraisemblable. Mais la conquête de la Transjordanie (chap. 21-24) mérite de retenir l'attention. Il y a là un mélange de poésie et de prose, où l'on trouve des éléments qui remontent bien au début de la conquête.

Quant au récit de l'intervention du devin Balaam, il témoigne d'un travail littéraire important: on se contentera de noter le genre littéraire dit populaire qui permet de faire parler une ânesse, et, au chapitre 24, la relecture discrète d'un vieux texte et son application à la dynastie de David (spécialement au verset 17).

Dans un autre domaine il faudrait relever enfin l'état défectueux du texte actuel lui-même à certains endroits. On a ainsi beaucoup souligné la disproportion entre les deux coups de baguette donnés au rocher par Moïse et la punition qui lui est infligée : ne pas entrer dans la Terre promise (chap. 20).

Un assez grand nombre d'auteurs pensent que le verset 12 a sa place ailleurs : au chapitre 14 : son déplacement expliquerait, ici du moins ce qui fait obstacle à la réflexion de l'homme moderne.

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(1)« EN CE TEMPS.LA - LA BIBLE »_ no 5 : « Comment fut composé le Pentateuque ».

© En ce temps-là, la Bible

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 JÉRÉMIE